Écrit au Ier siècle avant J.-C., le « De Natura Rerum » de Lucrèce est l’un des plus célèbres et des plus beaux poèmes philosophiques jamais écrits. C’est la seule œuvre connue de ce disciple zélé d’Épicure qui reprend plus de deux siècles après son maître sa doctrine salvatrice, traduisant en poète visionnaire qu’il est les mouvements incessants des atomes et perpétuel devenir des choses au sein du vide. Suivant en effet l’enseignement de l’atomisme grec, Lucrèce fait surgir par l’âpre puissance de sa poésie la représentation d’un univers où tout est matière, « corps aveugles » qui s’agrègent et se désagrègent, un univers qu’aucun dessein surnaturel ne régit. Poème scientifique qui explore l’univers physique mais aussi vision de l’existence cosmique et humaine traversée par la tension jamais résolue entre poésie et raison. Bien que le De Natura Rerum fût édité par Cicéron, ce dernier, à part une allusion rapide, ne nous donne aucun renseignement sur Lucrèce, participant ainsi à ce qu’on a appelé une « conjuration du silence » autour du poète. Une notice de Saint Jérôme, discutée et discutable, a accrédité l’image d’un poète rendu fou par un philtre d’amour, écrivant pendant les intervalles de sa maladie quelques livres, que par la suite Cicéron corrigea, et qui « finit par se tuer de sa propre main, à l’âge de quarante quatre ans ».