Paru en 1847 sous le pseudonyme masculin d’Ellis Bell, « Les hauts de Hurlevent » sidéra la critique. Dans ce conte d’amour, de vengeance et de mort, Emily Brontë abordait tous les tabous : la famille toxique, l’inceste et le mal.

Des trois sœurs Brontë, Emily (1818-1848) demeure la plus énigmatique et la créatrice du plus impitoyable des romans d’amour, dont l’intrigue s’ancre dans les paysages désolés des landes du Yorkshire. Parue en 1847 sous le pseudonyme masculin d’Ellis Bell, cette œuvre romanesque sur fond de passion maudite et de vengeance, unique dans l’histoire de la littérature victorienne, se révéla en décalage avec son époque et sidéra la critique. Car si l’histoire met en scène les sentiments amoureux entre Cathy et Heathcliff, le bâtard adopté, elle déploie aussi une longue et implacable vengeance. Dans ce conte d’amour et de mort, Emily Brontë aborde tous les tabous : la famille, dont elle dénonce la toxicité ; l’inceste, à travers la liaison interdite entre un frère et une sœur d’adoption ; le mal, enfin, auquel elle donne la beauté sauvage de Heathcliff. En l’adaptant au cinéma en 1939 avec Merle Oberon et Laurence Olivier, William Wyler a contribué à hisser Les Hauts de Hurlevent, unique roman d’Emily Brontë, au rang de mythe.

Amour, trahison et violence

En compagnie de Lucasta Miller, biographe des sœurs Brontë, et d’Ann Dinsdale, conservatrice du musée qui leur est consacré à Haworth, ce documentaire nous immerge au plus profond de cette passion, dans laquelle se mêlent amour, trahison et violence. En outre, un mystère demeure car la romancière ne dévoile jamais la véritable identité du séduisant Heathcliff, qui se mue au fil des pages en monstre féroce, cruel et sans pitié. Ne serait-il pas fils d’esclaves venu de Liverpool, à l’époque grand port négrier d’Angleterre ? C’est cette hypothèse novatrice qu’explore notamment l’écrivain britanno-christophien Caryl Phillips, pour qui le roman transgresse ainsi également le système de classe, de rang et d’ordre sur lequel continue de reposer la société britannique. À une époque où l’histoire de l’esclavage et du colonialisme demeure un thème brûlant, ce roman résonne encore puissamment avec les enjeux d’aujourd’hui.

Documentaire de Mathilde Damoisel disponible jusqu’au 08/05/2023.