« L’air du Monde » – A la recherche de justice et de liberté, Victor Kathémo mène l’enquête

« L’air du Monde » est le huitième roman de l’écrivain Victor Kathémo où il aborde de façon réaliste et poétique des sujets qui lui tiennent à cœur, telles l’humanité, l’enfance, la justice, l’injustice et… laliberté !

Victor Kathémo annonce bien la couleur en reprenant en préambule la citation de Fédor Dostoïevski : « Si le juge était juste, peut-être le criminel ne serait-il pas coupable » ; en effet, l’auteur fait partie de ceux qui considèrent qu’il est préférable qu’un coupable soit en liberté plutôt qu’un innocent en prison.

L’idée de ce roman a germé dans son esprit il y a déjà plusieurs années, lors de l’affaire d’Outreau (1997-2000). En effet, l’erreur judiciaire du juge en charge de l’accusation à l’époque l’avait beaucoup marqué. Cette erreur de jugement et les dysfonctionnements de l’affaire, avaient jeté uneclumière crue sur le rôle difficile du juge à la recherche de la vérité, mais surtout sur la responsabilité du juge d’instruction. Les chemins de l’écriture peuvent être longs…

« L’air du monde », raconte donc l’histoire d’un homme de 46 ans, Jérôme Jauréguy, mis en examen pour avoir commis un acte répréhensible que l’on ne connait pas (il faudra attendre la fin du récit pour le savoir… !). Dès le début du livre, Jérôme, le narrateur, se trouve face au juge qui l’accuse mais fait également face au lecteur qui devient… juge ! Cet échange triangulaire va mener à des réflexions sur la vie, le rôle des apparences, la justice, la liberté… un espace où le lecteur sera juge et acteur !

Au début de l’histoire, Jérôme raconte qu’il menait une vie tranquille et agréable avec sa femme et son fils nouveau-né. Opérateur de presse, il travaillait avec plaisir et enthousiasme dans une imprimerie. Malheureusement le phénomène de la mondialisation a poussé les clients de l’entreprise à se tourner vers des marchés financièrement plus intéressants et l’atelier a dû fermer ses portes. Licencié économique, Jérôme débute alors sa « descente aux enfer ». Sa femme le quitte avec son fils et après le divorce, il se retrouve seul dans un logement quasi insalubre où il développe une profonde dépression… la situation exposée par Victor Kathémo est un peu brutale et extrême mais c’est une situation relativement fréquente qui donne un côté touchant au personnage, puisqu’il ressemble à tout le monde.

Face à son juge, Jérôme va alors tenter d’expliquer les incohérences d’une société devenue dure et égoïste et montrer que les apparences sont souvent trompeuses. Pour cela, il va raconter de nombreuses histoires venues du monde entier (d’où le titre « L’air du monde ») dont l’un des objectifs sera de forcer le lecteur/acteur à analyser le monde et à tenter de comprendre et d’expliquer les actes des humains.

Sensible, malade et dépressif, Jérôme s’échappe et reprend espoir en regardant les enfants qui jouent dans la cour de l’école située en bas de son immeuble. Dans les jeux et les yeux des enfants, il retrouve la pureté du monde. Dans le regard de ces jeunes enfants il voit la mer et le fond de leur âme, contrairement au regard des adultes où il voit souvent du mépris, ou de l’indifférence… « l’homme naît avec un visage divin, un visage qui se creuse au cours des années par l’imprégnation d’un venin diabolique ». La vie de l’enfance qu’il regarde et surveille de sa fenêtre lui donne du courage et l’apaise « Je retombais en enfance pour me fondre au milieu d’eux».

Le lecteur se pose souvent la question de savoir si Jérôme Jaureguy est fou et s’il ne serait pas en train de délirer lorsqu’il raconte sa vie quotidienne au juge. En fait, Jérôme est dépressif et sa profonde dépression lui donne le vertige et lui gangrène l’esprit. Il se situe en dehors du cadre de la normalité. Mais qui décide de la normalité ? La barrière entre la folie et la normalité n’est-elle pas tracée par la société ? Objectivement Jérôme peut paraître fou mais en lisant le roman, on comprend que c’est son parcours chaotique qui l’a poussé à la marge de la société. Dans un style fluide, élégant, raffiné, parfois trivial, l’auteur, va conter différentes histoires démontrant au lecteur-juge que si la société considère Jérôme comme fou, celui-ci se considère tout-à-fait normal. Pour lui, c’est la société qui est folle « Vous comprendrez peut-être que mon existence, aussi abrupte soit-elle, est un beau sommet verdoyant au milieu d’un paysage aride » … !

Ce livre puissant et addictif est à la fois une enquête et un plaidoyer qui cherche à semer le doute dans l’esprit du juge. C’est en effet dans le doute et non dans la certitude que l’on trouve la vérité. Ces histoires contées par Jérôme ont également pour objectif de créer le doute dans l’esprit du lecteur-juge. Jérôme veut les forcer à examiner les fausses pistes, afin de les obliger à rechercher et à trouver LA bonne piste vers la VERITE.

Pendant toute l’enquête de Victor Kathémo, le lecteur-juge-acteur est comme dans une salle obscure. Il monte un escalier, marche après marche, chapitre après chapitre pour découvrir le palier supérieur, afin de savoir pourquoi Jérôme Jauréguy est devant un juge. Arrivé en haut de l’escalier il découvrira l’ultime vérité et comprendra que l’histoire du jugement n’est qu’un prétexte pour parler d’humanité et de liberté. Il découvrira bien sûr la raison de la mise en examen de Jérôme mais constatera surtout qu’il est devenu libre sans frontière ni cloisonnement. Grâce à sa démarche et à son analyse du monde et de la société, Jérôme a compris ! Il n’a plus de barrières, il s’est échappé du carcan de la société et respire « l’air du monde » !

Lisez « L’air du monde » de Victor Kathémo et jugez par vous-même !

Site de l’auteur : http://victor-kathemo.com

L’air du Monde – 206 pages – Victor Kathémo – Editions Myriapode – 19 €