Retour sur les huit cents ans de conflit qui opposent deux Irlandes, déchirées par la question de l’indépendance. Une plongée prenante dans les arcanes de la violence coloniale. La question de l’identité religieuse fracture protestants et catholiques sur l’île d’Irlande depuis la colonisation britannique et la promulgation des statuts de Kilkenny (1366) qui, entre autres, proscrivent les mariages mixtes. La violence continuelle entre Ulster et Eire a depuis endeuillé les deux camps, avec pour sombre apogée la fin du XXe siècle (près de de 3 500 morts de 1969 à 1998, dont les tristement célèbres 14 assassinats du Bloody Sunday, des civils désarmés, abattus dans le dos) qui laisse une société traumatisée par la guerre. De chaque côté des derniers barbelés, les populations habitant près de ce qui reste de la frontière vivent marquées par la misère et le deuil. Depuis l’accord du Vendredi saint en 1998 et le retrait de l’armée anglaise, conjuguée au démantèlement des milices paramilitaires, chacun panse ses plaies et tente de se tourner vers le futur. Verra-t-on un jour la réunification de l’Irlande ? « Nous avons tout juste assez de religion pour nous haïr, pas assez pour nous aimer les uns les autres », disait le poète anglo-irlandais Jonathan Swift. Mais le schisme entre les deux populations irlandaises ne se résume pas à une problématique de foi. Si les affrontements entre protestants et catholiques marquent l’esprit des populations dès l’invasion du nord de l’Irlande par les Anglais, ce documentaire met en exergue la dynamique qui sous-tend et explique tout le conflit : celle d’un mécanisme systémique de violence coloniale et d’un schisme qui va au-delà de la question religieuse, entre envahisseurs et colonisés. À l’heure du Brexit, le spectre de la division revient hanter les ennemis et victimes d’autrefois, avec la possibilité du retour d’une frontière physique entre Nord et Sud. Documentaire de Christel Fomm.