Disparue à l’âge de 100 ans, en octobre 2017, Danielle Darrieux a imposé son jeu nuancé, sa voix mélodieuse et son goût pour la subversion tranquille à travers les époques. Un passionnant portrait, avec les témoignages de Paul Vecchiali, Catherine Deneuve et Ludivine Sagnier. C’est par l’entremise d’une élève de sa mère, professeure de chant, que Danielle Darrieux, enfant remuante dans un milieu bourgeois corseté, débute sa carrière à 14 ans dans Le bal de Wilhelm Thiele (1931) – où, déjà, elle pousse la chansonnette. Délivrée de sa timidité par un métier qui contient les rougissements sous une épaisse couche de fond de teint, cette « drôle de môme », qui malmène joyeusement les valeurs patriarcales de film en film, impose son charme pétulant et son tempérament de feu sur les écrans des années 1930. Sous l’influence de son mari et pygmalion, Henri Decoin, de vingt-sept ans son aîné, l’indomptable rossignol s’oriente ensuite vers des rôles plus sensibles, à l’instar du drame romantique d’Anatole Litvak Mayerling, qui lui ouvre les portes de l’Amérique. Les diktats hollywoodiens et la souffrance de l’éloignement mettent fin à la parenthèse, et « DD », de retour en France à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, triomphe bientôt dans des productions (Premier rendez-vous) de la Continental, société financée par le IIIe Reich. Tombée amoureuse du diplomate et play-boy dominicain Porfirio Rubirosa, arrêté par les Allemands pour espionnage, elle participe à une tournée de propagande à Berlin pour obtenir sa libération, puis rompt tout lien avec le cinéma de l’Occupation. Après-guerre, la jeune première qu’elle n’est plus doit se réinventer. De La vérité sur Bébé Donge de Decoin à Marie-Octobre de Julien Duvivier, elle incarne dans les années 1950 une cohorte de femmes fortes à l’amoralisme tranquille. Mais c’est sous la direction de Max Ophüls, notamment dans Madame de…, que la subtilité de son jeu atteint son apogée. Après 40 ans et quelques apparitions inoubliables (Les demoiselles de Rochefort), elle entame une brillante carrière au théâtre et à la télévision, tout en couvant de son aura mythique le renouveau du cinéma français (Anne Fontaine, François Ozon…). Entremêlant extraits de films, interviews de la comédienne et éclairages d’admirateurs (les cinéastes Paul Vecchiali ou Philippe Le Guay, les actrices Catherine Deneuve et Ludivine Sagnier, son dernier compagnon, Jacques Jenvrin…), une traversée passionnante de la carrière de celle qui a enchanté huit décennies de cinéma avec une légèreté dénuée de superficialité. Documentaire de Pierre-Henri Gibert disponible jusqu’au 11/03/2022.