Que se passerait-il si les requins disparaissaient ? Malgré un faible nombre de victimes humaines, il n’en demeure pas moins que la sauvagerie et la violence des rares attaques de requins dont sont victimes les hommes chaque année contribuent injustement à son image négative et à la peur qu’il suscite en chacun de nous. Aujourd’hui, cent millions de requins sont tués chaque année. De leur côté les requins eux, sont responsables de cinquante attaques par an, dont six mortelles. Les scientifiques tirent le signal d’alarme : d’ici les dix prochaines années, si rien n’est fait, certaines espèces disparaîtront. En Australie, des études scientifiques montrent qu’en 10 ans 70% de sa population a déjà disparu. Victime de la pêche industrielle, du braconnage, des captures accidentelles, de la passion de certains gourmets pour leurs nageoires et de la pollution, les hommes ont rendu son avenir incertain. En novembre 1996, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (I.U.C.N.) fait figurer au sommet de sa liste rouge une espèce animale en danger, le Grand Requin Blanc. Une commission spéciale formée d’experts biologistes est même créée afin d’étudier et de comprendre les causes exactes de la diminution du nombre de requins. Pollution chimique, macro-déchets, diminution des ressources alimentaires en raison de la pêche, mortalité par noyade dans les filets de protection des plages… Et, s’il échappe aux filets des chalutiers, il lui faut encore éviter de finir en trophée sur le pont des bateaux de pêche sportive dans l’Est de l’Amérique du nord ou le Sud-Est de l’Australie, pays dans lequel on estime à 500 le nombre de grands blancs tués chaque année ! Le marché qu’il génère en Asie est des plus préoccupants. Ses dents se vendent jusqu’à 600 $ l’unité, ses mâchoires à des prix faramineux (50 000 $ dernièrement), sa peau est utilisée en maroquinerie pour faire du cuir de luxe, sa carcasse transformée en farines de poissons, son cartilage utilisé pour faire des médicaments et l’huile de son foie pour en extraire la vitamine A et le squalène. Et bien entendu, des braconniers peu scrupuleux lui arrachent ses ailerons (‘shark-finning’) avant de le relâcher mort ou vif ; des ailerons qui finiront en soupe en Chine. Hong-Kong, Singapour et le Libéria sont les plaques tournantes de ce triste commerce qui affecte toutes les espèces de requins. Selon la FAO, Food and agriculture organisation, le marché de l’exportation d’ailerons serait passé de 2670 tonnes en 1976 à 6300 tonnes en 1997 ! Pour les scientifiques, ces phénomènes sont à déplorer car les requins, prédateurs et charognards, font partie de la chaîne alimentaire et jouent un rôle écologique important. A Hawaï, l’équilibre fragile qui régnait entre certaines espèces de requins fut rompu par des campagnes d’extermination du requin tigre. L’absence de ce dernier engendra la prolifération d’une espèce de requin des récifs qui eut pour conséquence directe la disparition d’un grand nombre de poissons. L’économie liée à la pêche fut complètement bouleversée. Vont-ils disparaître avant d’avoir livré tous leurs secrets ? Quelles seraient les conséquences de la disparition des requins, de ceux à peine plus grands qu’une main (20 cm), à ceux qui font la taille d’un bateau (15m), pour les écosystèmes marins, la biodiversité et donc l’humanité ? L’homme peut-il survivre sans eux ? Il devient urgent de se poser l’ensemble de ces questions afin de mieux envisager la place et le rôle des requins dans nos océans. Dans cet épisode, nous suivons des hommes et des femmes qui mènent un combat acharné pour réhabiliter le requin et protéger les dernières populations de squales. Une mission qui s’inscrit dans la lutte ambitieuse du maintien de la biodiversité dans le monde. Grâce à l’expérience et aux regards d’initiés, nous examinons avec des avocats, des chercheurs, des plongeurs ou des ichtyologues de renommée internationale les solutions visant à assurer la pérennité d’une espèce aux multiples facettes qui est aujourd’hui en voie de disparition.