Le concile cadavérique

L’appellation « concile cadavérique » revêt en elle-même une noirceur inquiétante et sinistre, qui est le reflet fidèle de l’évènement qu’elle désigne.

Il faut pour cela remonter à l’an 897 à Rome, là où toute cette sombre affaire a pris naissance. La scène s’ouvre sur le trépas du pape Formose et de la suite d’évènements que son successeur, Étienne VI, a décidés de provoquer.

Il semble presque irréel de penser qu’un pape, même après sa mort, puisse être exposé à un traitement aussi déshonorant.

Alors que lui reproche-t-on exactement ? Que peut-il avoir fait de si terrible pour subir ce genre de dérives post-mortem ?

Au cours de son vivant, le pape Formose ne s’est pas tenu éloigné de la sphère politique. Ainsi, il fit preuve d’un manque de constance indéniable dans ses choix politiques en interchangeant sa loyauté entre Lambert, le duc de Spolète qu’il a couronné empereur, et Arnoul, le roi de Germanie sur la tête duquel il a posé la couronne de Charlemagne.

C’est en raison de cette hésitation politique, montrée comme une trahison par les Spolète, que Formose a engendré la colère de ce clan. Cette rancœur, transmise et reprise par Étienne VI, a été le déclencheur de cet infâme procès post-mortem.

Étienne VI, fervent partisan des Spolète, reprend le flambeau de leur quête de vengeance.

Un jugement post-mortem atypique et controversé

En reprenant les motifs de revanche des Spolète, Étienne VI a initié une véritable tragi-comédie. Il décide d’exhumer le corps déjà pourrissant de Formose pour le soumettre à une audience judiciaire en présence de l’assemblée ébahie des évêques.

Le cadavre de Formose, habillé de parures pontificales, est alors placé sur le trône papal. L’accusation portée contre Formose concernait son choix présumé motivé par « une ambition coupable » d’échanger son siège d’évêque de Porto, qu’il a occupé paisiblement durant trois décennies, contre la position d’évêque de Rome.

Des conséquences politiques et ecclésiastiques

Malgré que la doctrine interdise à un évêque d’échanger son poste contre un autre, il était de notoriété publique que de nombreuses exceptions ont été faites dans le passé. Un évêque pouvait donc devenir pape et, par extension, évêque de Rome.

Cependant, cela n’a pas dérangé Étienne. Son ambition réelle était plutôt de tenir un procès qui serve « d’exemple ». Ce procès visait aussi à invalider l’accession de Formose à la papauté. Par conséquent, toutes les décisions prises par Formose seraient annulées, y compris son couronnement d’Arnoul de Germanie et sa nomination d’Étienne en tant qu’évêque d’Agnani.

Cela arrangeait grandement Étienne qui, de cette façon, évitait que le procès puisse se retourner contre lui. Ce procès conclut en sa faveur et le corps de Formose fut jeté dans un charnier anonyme.

Répercussions du synode du cadavre et dénouement

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’indignation du peuple de Rome face à l’abjection de ce procès était palpable. Étienne VI, le nouveau pape, se retrouve face à un pontificat loin d’être paisible à l’horizon. Les Romains, outragés, ne lui accordent que quelques mois pour régner. Étienne VI est incarcéré et finit étranglé.

Quant à Formose, son cadavre est une fois de plus exhumé mais cette fois pour une sépulture digne dans la basilique Saint-Pierre. C’est au pape Jean XI, qui succède à Étienne, qu’il incombera de restaurer l’honneur manquant du défunt pape Formose, injustement bafoué.