Lors de son retour au pouvoir, au printemps 1958, le général de Gaulle doit gérer une situation très tendue en Algérie depuis la crise du 13 mai. La communauté européenne et une partie de l’armée se radicalisent autour de l’idée d’Algérie française. Ils refusent tout processus d’autonomisation. Ils espèrent que de Gaulle – pourtant indécis sur la nature exacte de l’avenir algérien – devienne leur avocat et le garant du maintien français en Algérie. Dès qu’il est investi des pleins pouvoirs (le 2 juin), le Général se rend à Alger (du 4 au 7 juin) où l’on attend, dans les milieux européens, qu’il se prononce en faveur de l’Algérie française. En fait, il a trois objectifs : rassurer la population européenne et éviter sa révolte (elle ne ferait qu’aggraver la crise algérienne) ; dire son respect au peuple musulman en guerre ; affirmer sa légitimité des deux côtés de la Méditerranée, auprès des civils comme des militaires. Les paroles qu’il prononce à cette occasion, devant une immense foule en majorité européenne, sont de la plus haute importance. Son « Je vous ai compris » est devenu historique. De Gaulle vient avant tout lancer un appel à la concorde et au retour au calme, sans s’engager ; son discours est volontairement ambigu, afin que chaque groupe puisse s’y reconnaître et y projeter ses propres espérances.