L’arrêt de la construction d’un port d’envergure en Géorgie témoigne des tensions qui animent le petit pays caucasien. Entre virée à l’est ou à l’ouest, le cap semble encore indécis.

En 2016, le consortium de l’homme d’affaires Mamuka Khazaradze est chargé par le président géorgien de l’époque Mikheil Saakachvili de construire un port en eau profonde dans le petit village d’Anaklia, sur la mer noire. L’objectif : intégrer le pays au réseau des nouvelles routes de la Soie destinées à faciliter le commerce entre l’Europe et l’Asie. Mais le projet, qui était déjà dans les tuyaux depuis de très nombreuses années, est tout à coup interrompu : Mamuka Khazaradze est accusé de blanchiment d’argent. Le bruit court alors que le milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui rentre tout juste de Russie, pourrait avoir quelque chose à faire dans l’histoire. Car le grand gagnant de l’arrêt des travaux, c’est la Russie, qui n’a plus à craindre que ce nouveau port fasse concurrence au sien, situé également sur la mer noire, dans la ville de Novorossiysk. Pendant ce temps, les habitants d’Anaklia vivent au milieu d’un chantier à l’abandon, et les pertes se comptent en millions. Pourtant, Mamuka Khazaradze refuse de s’avouer vaincu : il se lance en politique et crée son propre parti, Lelo, qui porte les ambitions d’une Géorgie tournée vers l’ouest.

Symbole d’une déroute, l’échec du projet d’Anaklia suscite de nombreuses inquiétudes en Géorgie. Alors que le consortium de Mamuka Khazaradze entend obliger le gouvernement à relancer les travaux à l’aide d’un tribunal arbitral à Genève, les instances démocratiques du pays faiblissent les unes après les autres, leur direction étant confiée à des proches de Bidzina Ivanichvili. Les réactions molles de la Géorgie après l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’ont fait qu’augmenter les craintes des habitants, qui s’interrogent sur leur avenir en cas de victoire de Poutine. État des lieux d’un pays qui semble naviguer à vue.

Documentaire de Stefan Tolz disponible jusqu’au 25/01/2023.