Dans le huis clos d’un bureau de soins pour les migrants primo-arrivants, la réalisatrice Alice Diop (« La mort de Danton », « Vers la tendresse ») saisit sur le vif des destins brisés et l’espoir qui renaît grâce à l’engagement d’un médecin plein d’humanité.

C’est à la fin d’un long voyage sur les chemins de l’exil que l’on entre à la Pass (Permanence d’accès aux soins de santé) de l’hôpital Avicenne, à Bobigny. C’est le seul lieu en Seine-Saint-Denis à proposer des consultations gratuites et sans rendez-vous aux migrants primo-arrivants. Dans un bureau exigu et défraîchi, le docteur Jean-Pierre Geeraert, épaulé de deux psychiatres et d’une assistante sociale, y reçoit des hommes et des femmes atteints dans leur chair et dans leur âme, dont les blessures sont si profondes qu’elles sont parfois indicibles.

Plaies ouvertes

Pendant plusieurs mois, la réalisatrice Alice Diop (La mort de Danton, Vers la tendresse) a installé sa caméra entre les quatre murs de ce refuge fragile. Inspirée par les photographies de Gordon Parks et les documentaires de Frederick Wiseman, elle capte les silences, les regards, les paroles rares, en plans fixes, sans commentaires. De dos ou visage face caméra, le plus souvent dans un anglais précaire, les patients évoquent leurs souffrances, plaies ouvertes. Sans jamais pouvoir être tout à fait guéries, du moins sont-elles pansées par ce médecin qui, aux conséquences des persécutions, des sévices et de la misère, oppose un calme et une bienveillance indéfectibles malgré les difficultés, notamment budgétaires, auxquelles il est confronté. Au fil des mois, naît alors l’espoir d’une vie meilleure lorsque, très rarement, une demande d’asile est acceptée, donnant à Jean-Pierre Geeraert l’occasion d’un trait d’humour comme celui qu’il adresse à un patient guinéen : « Maintenant, vous allez avoir les soucis d’un homme libre ! »

Documentaire d’Alice Dio.