En 1969, les mythiques Halles quittent le ventre de Paris pour Rungis. Centre névralgique où convergent et se négocient les aliments qui garnissent nos assiettes. Le plus grand marché de produits frais au monde est le lieu de tous les superlatifs. A 7 kilomètres de Paris, cet immense temple de la nourriture est une véritable ville dans la ville, avec des entrepôts à perte de vue, pavillons spécialisés où travaillent 12.000 personnes dont la mission est de nourrir un quart de la population française et 20 millions d’Européens.

Sur ce territoire plus grand que la Principauté de Monaco, on trouve les meilleurs produits de nos terroirs, mais aussi du monde entier, au meilleur prix. Un grenier exceptionnel qui a ses rites, ses coutumes et ses secrets. Durant plusieurs semaines nous avons eu accès aux coulisses de Rungis. Nous avons mis l’accent sur ces hommes et ces femmes qui chaque jour sélectionnent les meilleurs produits.

Nous avons suivi ces dénicheurs de goûts, ces défricheurs de saveurs qui sont les véritables artisans de notre gastronomie à la française. Ils sont les héritiers de savoir-faire, qu’ils se transmettent de génération en génération. Ambitieux et passionnés, ces princes de Rungis sont habités par le respect des produits et la fierté de nourrir les autres. Et parmi eux :
– Frédéric Masse est à la tête d’une grande maison de foie gras. Il est la cinquième génération à diriger cette entreprise familiale. Il appartient à l’une de ces dynasties « historiques » qui ont bâti la renommée de Rungis. « Il faut apporter des touches modernes, sucrées, pour toucher les nouvelles générations. L’idée, c’est de réveiller le produit avec de l’originalité tout en respectant la tradition, ce qui est très difficile ! ».

– Olivier Perichon lui aussi appartient à une grande famille de Rungis. Depuis plus de cent ans, sa famille a forgé sa renommée dans les champignons. Aujourd’hui c’est Olivier qui dirige la maison mais son père, qui n’est jamais loin, veille toujours à la transmission de son savoir : « Le côté dynastique, c’est très important. Parce que ça donne un sens au travail que l’on fait ».

-Rungis a aussi ses globe-trotteurs, comme Jean-François Chémouni, cet ancien psychologue parcourt le monde pour dénicher les fruits et les légumes les plus rares. Cette année, le grossiste parie sur la deuxième vie d’un fruit oublié…dont raffolait Louis XIV : la fraise blanche : « On ne s’attend pas à avoir un goût d’ananas quand on mange une fraise ! »
– Rungis, c’est aussi de jeunes pousses, comme Caroline Fauchère, une surdouée de la viande. A 25 ans, tout juste sortie d’une école de commerce, elle reprend les rênes de l’entreprise familiale, sous l’œil de son père et de sa mère : « L’inconvénient de travailler en famille, c’est qu’il n’y a jamais de pose, même le soir, on parle boulot ». Nous l’avons suivie quand elle va acheter ses premières bêtes.

– Sur le carreau, il y a aussi ceux de la vieille école. A 88 ans Antoine d’Agostino, lui, a connu les halles de Paris puis la révolution de Rungis. Il y a vingt ans, après une carrière dans les fruits et légumes il ne se voit pas quitter le marché, alors il tourne le dos à la retraite pour créer l’une des plus belles caves à vin du marché. « Pourquoi tu crois qu’à 90 ans tu continues à travailler à Rungis ? Parce qu’on est des mordus ! »

Ce film est une plongée au cœur du plus grand marché du monde qui, depuis 50 ans, remplit nos assiettes.

Un reportage de Philippe Poiret et Camille Desmaisons-Fernandez.