Le père du taoïsme vécut dans la seconde moitié du IVe siècle avant J.-C. Sa pensée philosophique est un chef-d »œuvre d’un point de vue littéraire : une prose poétique chinoise dont la richesse fait le désespoir des traducteurs. Elle est présentée sous forme de fables, d’apologues, de paraboles, de dialogues entre des personnages réels ou mythiques qui laissent la part belle aux interprétations, comme si leur signification réelle était toujours ailleurs. La notion centrale est celle du « Tao », ce chemin, cette Voie selon laquelle procède toute chose, tous les êtres. Élevé à la hauteur d’un absolu métaphysique, il est l’Un indifférencié auquel se ramènent toutes les différenciations, les déterminations du monde empirique. Métaphysique centrée sur l’homme, comme le veut l’humanisme chinois : à l’homme de faire retour à l’Un absolu par-delà toute relativité, de conformer sa conduite à la spontanéité naturelle du Tao qui nous embrasse de toute part « sans qu’on le voie ». Son œuvre s’envole dans un hymne à la liberté du taoïste parcourant à sa guise l’univers, tel un chamane en randonnée extatique, il s’élève dans le ciel infini d’où il survole le monde, alors que la cigale, la caille ou la tourterelle, lorsqu’elles prennent leur essor, vont se cogner contre l’arbre voisin ou s’abattre parmi les herbes, image du confucianiste attaché aux activités de ce monde. Le taoïste, lui,« embrasse les dix mille êtres en un tout unique » n’agit qu’en ne faisant rien, et,« ne servant à rien, ne pâtit de rien ». Une philosophie qui se poursuit en démontrant la vanité de toutes les opinions opposées, de toutes les oppositions en général, avant de conclure conformément à ce point de vue sur une critique de sa propre pensée.