Alors que Predappio, ville natale de Mussolini, attire tous les ans des centaines de nostalgiques du Duce, son ancien maire rêvait d’y ouvrir un musée témoignant des crimes du fascisme. Dans ses pas, ce documentaire ouvre la réflexion sur la mémoire collective d’une nation. 

Nichée entre Bologne et la côte Adriatique, Predappio, 6 000 habitants, n’est pas une bourgade d’Émilie-Romagne tout à fait comme les autres. C’est dans cette cité que Benito Mussolini a vu le jour en 1883 et qu’il repose depuis que, dans les années 1950, un maire communiste a autorisé le transfert de sa dépouille. Tout ici rappelle la présence du Duce, qui a modifié la structure des rues, transformé la maison de son enfance en hôtel de ville et fait construire une crypte familiale dans le vieux cimetière pour son repos éternel. Pendant dix ans à la tête de la municipalité, le maire de gauche Giorgio Frassineti, installé dans le bureau même qu’occupait en 1922 l’organisateur de la « marche sur Rome », a bataillé pour convertir l’ancienne Casa del fascio, qui abritait jadis les bureaux du parti du dictateur, en musée dédié aux crimes du fascisme et en centre d’études ouvert aux chercheurs. Une alternative critique nécessaire, selon lui, pour faire contrepoint aux boutiques de souvenirs et aux pèlerinages des nostalgiques des Chemises noires. Mais son projet ne suscite pas le même enthousiasme chez Roberto Canali, l’entrepreneur de centre droit qui lui a succédé à la mairie en 2019.

Encombrant héritage 
De Braunau am Inn, ville natale d’Adolphe Hitler, au Berghof, dont le Führer fit sa résidence secondaire dans les Alpes bavaroises, du musée voisin de l’Obersalzberg au Centre de documentation sur l’histoire du national-socialisme de Munich, ce documentaire accompagne Giorgio Frassineti dans ses pérégrinations en Autriche et en Allemagne, où il part s’informer auprès d’historiens sur l’offre muséale proposée dans d’anciens lieux symboliques du nazisme. De discussions en réflexions, le film, nourri d’images d’archives de la période fasciste, le suit dans sa croisade pour sauver Predappio de l’encombrant héritage mussolinien. Il interroge aussi la mémoire collective d’une nation. Comment, pour un édile, arbitrer entre la manne touristique, nauséabonde mais bénéfique aux finances locales, et la relecture critique d’une dictature que nombre d’Italiens, au nom de la réconciliation, semblent préférer oublier ?

Documentaire de Piergiorgio Curzi (Italie, 2022, 51mn)

Disponible jusqu’au 19/05/2023