Près d’un million d’immigrés clandestins vivent à Istanbul, où ils tentent de survivre tant bien que mal. La plupart d’entre eux travaillent au noir dans l’industrie textile ou le secteur du bâtiment dans une métropole en pleine essor économique. Une existence avec la présence permanente d’une épée de Damoclès au-dessus de la tête que ce soit à cause d’un contrôle inopiné de la police, la peur de tomber malade ou d’un patron peu scrupuleux. Payé un euro de l’heure, ils triment près de soixante dix heures par semaine. Mais le but véritable de leur exil demeure l’Europe. Une route qui les mène à la traversée du fleuve Évros, au péril de leur vie. Seul une minorité d’entre eux parviennent à rassembler l’argent nécessaire pour se payer les services d’un passeur. Après s’être faufilé de nuit jusqu’au fleuve, embarqués dans des bateaux pneumatiques improbables, les plus chanceux parviennent finalement à gagner la rive grecque. Burton, chanteur de rap originaire de la République Démocratique du Congo, arrivé, il y a quelques semaines, à Istanbul cherche à rejoindre la Grèce. Sa musique trop critique envers le régime en place l’a contraint à fuir son pays. Avec Eberhard Rühle, nous sommes allés, février dernier, à la rencontre de Burton et d’autres immigrés installés à Istanbul. Nous documentons, muni de notre caméra, ce périple dangereux vers cette terre de toutes les promesses qu’est l’Europe, en traversant la frontière fluviale greco-turque pour finalement aboutir à Athènes. Plus de 50 000 immigrés ont choisi cette route, en 201. Soit près de 90% des immigrés qui entrent en Europe clandestinement. Mais la traversée du fleuve Évros s’avère particulièrement dangereuse pendant l’hiver : 50 personnes ont péri noyé après que leur bateau ait chaviré, d’autres sont mortes de froid.