L’étudiant qui sort d’une grande école, comme HEC ou Polytechnique, attend avec impatience le moment où il pourra effectuer son stage de fin d’année. Des entreprises prestigieuses épluchent déjà son dossier de candidature. Elles comptent puiser dans le vivier de sa promotion pour s’adjoindre les meilleurs collaborateurs. En plus d’une rémunération attrayante, ce stagiaire se verra proposer un un CDI à l’issue de cet essai. Ce jeune diplômé est l’arbre qui cache la forêt. Entre la fin de leurs études et l’entrée dans la vie active salariée, les jeunes empruntent un passage obligé : le stage en entreprise. Ce qui devrait être un outil de formation et de découverte professionnelle s’est transformé en un instrument de flexibilité pour des patrons peu scrupuleux. Cette zone grise qui ne confère aucun statut officiel, ni aucune reconnaissance sociale, devient durable, et mène ces jeunes adultes tout droit à la précarité. Nous retrouvons Cyndi. Elle a à son palmarès 5 stages en deux ans. Employée dans plusieurs agences de pub, elle a exercé des responsabilités, supporté des horaires extensibles et stressants, pour un salaire dérisoire. Sans jamais réussir à décrocher un contrat de travail. Aujourd’hui, elle raconte ses tourments d’ex-stagiaire dans son blog et des BD. Chaque année, ils sont 1, 5 million à partir à la recherche d’un stage. Le secteur de la distribution textile profite de cette aubaine. Certains points de ventes comptent plus de stagiaires que d’employés. Tout juste âgés de 18 ans, ils sont exploités, humiliés, sans le moindre euro de gratification. Rien n’a changé. En dépit des actions coups de poing du collectif Génération précaire et du renforcement de la législation, les dérives existent encore, parfois au grand jour. On regarde, effarés, ce système qui banalise le concept du « travailler gratuitement », obéissant aux injonctions d’un capitalisme pour qui l’être humain n’est qu’une variable d’ajustement. Documentaire réalisé par Céline Chassé, montage de Thomas Sussfeld pour Envoyé Spécial