En 2016 et pendant un an, à l’invitation des Quinconces-L’espal, j’ai rencontré les habitants des deux théâtres en vue de réaliser un film. Lié de longue date aux personnes et aux projets de ces deux structures, nous avons pris ensemble le temps de discuter des coulisses du lieu, du travail, de l’imaginaire des espaces et du travail, d’histoires et de fondations, de géographies culturelles, de médiations et d’émancipation, d’envies futures, d’art et d’intensité, de révolte, d’éthique, de relation, de fantômes… Le tournage du film arrivait à un moment particulier : après 20 années à construire l’Espal comme un lieu exigeant de programmation et de partage avec le territoire, la gestion du Théâtre des Quinconces, fraîchement édifié en centre-ville, était confiée à la même équipe. Dans ce moment de transition, les contraintes et les possibilités de ce nouveau lieu donnaient l’occasion de revenir sur ce qui me semblait être le cœur de la philosophie et des pratiques de l’équipe – comment persévérer, mais aussi ré-interroger, adapter, ré-inventer… Qu’est-ce qui fait qu’un lieu est vivant ? Qu’est-ce qui le rend habitable ? Par qui un théâtre doit-il être habité ? Par quoi ? Comment fabriquer les conditions d’accueillir ? A quoi rêve-t’on quand on travaille ? Qu’est-ce qu’on écoute ? Est-ce que ça se voit ? Est-ce qu’on peut travailler dans un théâtre sans le rêver ? Par quoi est-il travaillé ? A quoi ça sert un plateau, un théâtre ? Quels fils invisibles fabriquent le tissu d’un groupe, d’une communauté ? Que se passe-t’il sur un plateau, de si irremplaçable qu’il faudrait en prendre soin ? Comment maintenir une relation fertile entre le rêve du lieu, le sens du travail, la vie quotidienne, la création artistique, la politique de la ville… ? A quoi tout ça tient ? Parfois à rien, à un fil, à un détail, un pas grand chose, la place d’une table, une présence, un hasard qui s’appelle l’attention. Un documentaire de Frédéric Tétart.